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Organisations du travail et conséquences en termes de conditions et santé au travail

Antoine VALEYRE du Centre d’Etudes de l’Emploi (2006) s’est penché sur le lien entre la santé et plus particulièrement les risques psychosociaux et les quatre formes d’organisation du travail, que nous venons de présenter.

Les risques pour la santé et la sécurité au travail et les atteintes à la santé perçus comme dus au travail sont moins prononcés dans les organisations apprenantes ou les organisations simples que dans les organisations tayloriennes ou en lean production. Pour conforter nos dires, en moyenne, près de 58 % des salariés déclarent que le travail affecte négativement leur santé. Cette proportion est plus élevée dans les organisations en lean production avec 66 % ou tayloriennes (63 %) et plus faible dans les organisations apprenantes (53 %) ou de structure simple (51%).

Les formes d’organisation du travail impactent sensiblement les salariés en termes de douleurs musculaires et les maux de dos symptomatiques de troubles musculo-squelettiques. Les organisations tayloriennes et lean production engendrent des taux élevés (41,6 et 38,7 %), plus modérés pour les organisations simples (32,4 %) et nettement plus inférieurs pour les organisations apprenantes (26,8 %)

Ce sont les salariés des organisations en lean production qui sont frappés principalement par les affections physiques (audition, vue, peau, respiration, maux de tête, maux d’estomac et blessures), à l’exception des problèmes de fatigue générale qui touchent le plus les salariés des organisations tayloriennes (27 %).

De façon générale, 27 % des salariés ressentent du stress. Ce sont les collaborateurs des organisations lean production qui le subissent le plus (avec 32,6 %) devant les organisations apprenantes (28,5 %). 20 % des salariés des organisations tayloriennes et organisations simples se disent stressés.

Toutes les études corroborent les liens de causalité entre les formes d’organisation et leurs incidences en termes de santé au travail, et plus particulièrement sur la santé mentale. Un nouveau vocable, les risques psychosociaux, est apparu. Mais qu’entend-on par risques psychosociaux ?



Mieux comprendre les problématiques de santé au travail en s’interrogeant sur les formes d’organisation du travail

Dans l’article précédent, nous avions abordé la situation actuelle du monde de l’entreprise et de ses collaborateurs avec les fameuses « injonctions paradoxales ». En fin de papier, nous avions conclu que « tous ces éléments démontrent les liens de cause à effet, entre le travail et la santé des salariés. Dans ce papier, nous nous interrogerons si certaines formes d’organisation du travail entraînent plus d’impacts négatifs en termes de santé de travail ? »

A partir d’une étude portant sur deux mille cinq cent entreprises françaises de plus de vingt salariés du secteur marchand non agricole, le Centre d’Etudes et de l’Emploi (CEE) a publié un rapport de recherche intitulé Formes d’organisation du travail et relations de travail (2008).

Les chercheurs ont utilisé quatorze variables :

Autonomie dans le travail Autonomie procédurale : c’est l’accomplissement du travail : Par la fixation d’objectifs globaux
Par une description des tâches précises à exécuter
Autonomie événementielle : En cas d’incidents : Encouragements des salariés à régler d’abord eux-mêmes les problèmes
A en référer à la hiérarchie.
Contrôle du travail Type de contrôle : Par la hiérarchie supérieure
La hiérarchie intermédiaire
Autres types
Fréquence du contrôle : Permanente
Intermittente
Occasionnelle
Rotation des tâches Passage d’un poste à l’autre au cours du travail : Pour une majorité de salariés
Pour une minorité de salariés
Pour aucun salarié
Travail en équipe En équipes autonomes de production : Selon le pourcentage de salariés concernés.
En groupes de qualité, groupes de résolution de problèmes : Selon le pourcentage de salariés concernés.
En groupe de travail pluridisciplinaire ou équipes de projet : Selon le pourcentage de salariés concernés.
Travail en juste à temps Le juste à temps Avec les fournisseurs
Le juste à temps avec les clients Avec les clients
Dispositif de raccourcissement de la ligne hiérarchique
Démarche de qualité totale
Communication dans le travail Coopération horizontale dans le travail : Encouragements à coopérer directement entre services différents ou non, ou sans objet
Réunions régulières de travail : Réunions régulières d’atelier, de bureau, de service… selon le % de salariés concernés

Selon les travaux d’Edward Lorenz et Antoine Valeyre (2005), sur la base des données de l’enquête européenne sur les conditions de travail en 2000 et en référence à des modèles couramment décrits dans la littérature sur les modes d’organisation du travail, quatre formes d’organisations sont précisées :

1. Les organisations apprenantes (37 %) : Peter Senge (1991) les définit comme étant des « entités adaptatives, conscientes de ses erreurs passées et sans cesse capable de se transformer ». Les salariés des organisations apprenantes :

  • Disposent d’une large autonomie dans le travail ;
  • Auto-contrôlent en partie la qualité de leur travail ou font contrôler leur travail par le management intermédiaire ;
  • Sont nombreux à travailler en équipe ;
  • « Rencontrent fréquemment des situations d’apprentissage et de résolution de problèmes imprévus » et suivent de nombreuses formations continues .

2. Les organisations en lean production (25 %). Présenté comme « le système qui va changer le monde » (Womack J at al., 1992), le système de production au plus juste, mis au point par le constructeur automobile japonais Toyota, a été qualifié de lean manufacturing par le Massachusetts Institute of Technology (MIT). Les organisations en lean production se caractérisent par :

  • Une gestion de la production en juste à temps ;
  • Un travail en groupes (équipes autonomes de production, cercles de qualité ou groupes de résolution, groupes pluridisciplinaires ou par équipes de projets) ;
  • Une rotation des tâches qui demande la polyvalence des salariés ;
  • Une gestion de la qualité qui nécessite l’autocontrôle de la qualité et le respect de normes de qualité précise ;
  • Une communication dans le travail par des coopérations horizontales et des réunions régulières ;
  • Une marge d’autonomie plus faible, que dans les organisations apprenantes, qualifiée d’autonomie contrôlée par Béatrice Appay (2005) ;
  • Des multiples contraintes de rythme.

3. Les organisations tayloriennes (24 %) se caractérisent par :

  • Une faible autonomie donnée aux salariés dans leur travail ;
  • Des contraintes de rythme de travail ;
  • Des tâches répétitives et monotones ;
  • Le respect de normes de qualité précises ;
  • Un niveau élevé de contrôle du travail pratiqué le plus souvent par le management intermédiaire.

4. Les organisations de structure simple (14 %) sont décrites dans l’ouvrage Structure et dynamique des organisations de Henry Mintzberg (1998, 440 p.). Ces organisations se caractérisent par :

  • Une faible diffusion du travail en équipe ;
  • Un travail relativement monotone et à faible contenu cognitif ;
  • Un travail peu répétitif ;
  • Une rotation des tâches ;
  • Un rythme de travail peu contraint ;
  • Une gestion de la qualité ;
  • Une faible formalisation des procédures ;
  • Un mode de contrôle par supervision directe souvent effectué par le sommet hiérarchique.